Du monde bipolaire au monde multipolaire
#1. Guerre froide et nouvelles tensions
#A. Origines de la guerre froide
#a) Un antagonisme depuis 1917
Les racines de la méfiance entre les États-Unis et l'URSS remontent à la Révolution russe de 1917. L’avènement du régime bolchevique inquiète non seulement Washington, mais aussi plusieurs capitales européennes. La reconnaissance diplomatique de l’Union soviétique par les puissances occidentales ne survient que tardivement, principalement dans les années 1930, et reste longtemps conditionnée par des intérêts commerciaux. En retour, Staline nourrit une profonde suspicion à l’égard des pays capitalistes, qu’il accuse de chercher à isoler puis à détruire le régime soviétique.
#b) La progressive dégradation des alliances de guerre
Le pacte germano-soviétique est rompu par l'invasion de l'URSS par l'Allemagne nazie le 22 juin 1941. L’Union soviétique rejoint alors la « Grande Alliance » contre l’Axe, aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni. Cependant, les divergences entre les Alliés ne disparaissent pas. Lors des conférences de Téhéran (1943) et de Yalta (février 1945), les discussions révèlent des tensions croissantes. À Téhéran, malgré une coopération apparente, Staline fait espionner les délégations alliées. À Potsdam, en juillet 1945, les rapports changent radicalement : Roosevelt est mort et remplacé par Truman, nettement plus hostile au communisme. Churchill est remplacé en cours de conférence par Attlee. Les désaccords sur l’avenir de la Pologne et des régimes en Europe de l’Est achèvent de fissurer l’alliance. Truman, informé du succès du Projet Manhattan, annonce que les États-Unis possèdent une nouvelle arme : la bombe atomique, signalant ainsi la supériorité stratégique américaine.
#c) Opposition des superpuissances
La capitulation du Japon cristallise les tensions : les États-Unis souhaitent éviter que l’URSS ne gagne du terrain en Asie. Plutôt qu’un débarquement, qui aurait été long et coûteux, les Américains optent pour l’arme nucléaire, espérant obtenir une reddition rapide du Japon. Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki marquent non seulement la fin de la guerre, mais aussi le début d’une ère de dissuasion.
#d) Incompatibilité des idéologies et des systèmes
Les modèles défendus par chaque superpuissance sont irréconciliables. Sur le plan politique, les États-Unis défendent la démocratie libérale et le pluralisme, tandis que l’URSS impose un parti unique et une dictature du prolétariat. Sur le plan des libertés individuelles, les Américains promeuvent la liberté d'expression et de religion, alors que l’URSS contrôle l’information, réprime l’opposition et limite la pratique religieuse. Sur le plan économique, les États-Unis croient au capitalisme et à la libre entreprise ; l’URSS repose sur la planification centralisée et la collectivisation des moyens de production. Ces divergences rendent toute coopération durable extrêmement difficile.
#B. Premières crises de la guerre froide
#a) Construction des stratégies et doctrines
Les premières grandes orientations idéologiques apparaissent avec le Long Telegram de George Kennan, diplomate américain à Moscou, qui alerte Washington sur la nature expansionniste du régime soviétique. En mars 1946, Winston Churchill déclare à Fulton qu’un « rideau de fer » est tombé sur l’Europe. En mars 1947, Truman expose sa doctrine visant à contenir l’expansion communiste : c’est la stratégie du containment. En réponse, l’URSS formule la doctrine Jdanov, selon laquelle le monde est divisé entre le camp impérialiste (dirigé par les États-Unis) et le camp anti-impérialiste (mené par l’URSS).
#b) Le coup de Prague
L’Europe de l’Est passe progressivement sous domination soviétique. En Tchécoslovaquie, après des élections favorables aux communistes en 1948, une crise politique conduit à la démission du président Beneš. Le pouvoir est alors entièrement accaparé par les communistes pro-soviétiques. Cet événement choque l’opinion occidentale et confirme la division du continent.
#c) Le blocus de Berlin
Berlin devient un point névralgique de la guerre froide. En juin 1948, Staline impose un blocus terrestre à Berlin-Ouest, espérant contraindre les Occidentaux à abandonner leurs positions. Les Alliés réagissent par un pont aérien massif pour ravitailler la ville. Le blocus est levé en mai 1949, sans confrontation militaire directe, mais avec un fort retentissement symbolique.
#d) La guerre de Corée
En 1950, la Corée du Nord, soutenue par l’URSS et la Chine, envahit la Corée du Sud. Profitant de l’absence temporaire de l’URSS au Conseil de sécurité de l’ONU, Truman obtient une intervention internationale sous l’égide des Nations Unies. La contre-offensive occidentale, dirigée par le général McArthur, remonte jusqu’à la frontière chinoise, provoquant une riposte massive de la Chine. Le front se stabilise autour du 38e parallèle. Un armistice est signé en 1953, sans traité de paix.
#C. Tensions au Proche-Orient
#a) Fin des mandats coloniaux
Au Proche-Orient, les rivalités s’exacerbent autour des enjeux pétroliers. Les anciennes puissances mandataires, la France et le Royaume-Uni, se retirent progressivement, laissant place à de nouveaux États. L’ONU veille à leur indépendance, mais le contexte de la guerre froide pousse chacun à choisir un camp : la Syrie s’oriente vers l’URSS, tandis que la Turquie rejoint l’OTAN dès 1952.
#b) La crise irano-soviétique
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Soviétiques refusent de quitter le nord de l’Iran. Staline souhaite y créer des États satellites riches en pétrole. Sous pression diplomatique et militaire des États-Unis, l’URSS se retire, ce qui constitue un premier succès de la doctrine Truman.
#c) La première guerre israélo-arabe
La création de l’État d’Israël en 1948, suite à la fin du mandat britannique sur la Palestine, déclenche une guerre contre les États arabes voisins. Israël bénéficie du soutien des États-Unis, tandis que plusieurs pays arabes reçoivent une aide de l’URSS. Ce conflit introduit la dimension moyen-orientale dans la guerre froide, avec une compétition d’influence durable entre les deux blocs.