Introduction - Comment s’informe-t-on aujourd’hui ?
Une invitation à la critique des médias, voire à une certaine dose de défiance à l’égard des médias, une offre qu’on ne peut pas refuser. S’informer véritablement, sans se perdre, sans faire fausse route, est-il seulement possible ? Les programmes scolaires peuvent-ils nous garantir cela ? En admettant qu’ils peuvent nous aider, il s’agit donc d’être en mesure, par une analyse critique des sources et des modes de communication, de sortir de la défiance.
Le plan du thème suggère que les évolutions techniques sont un problème en soi, comme si la question de la fiabilité des sources ne se posait pas auparavant, que l’information était plus fiable.
Il existe une régulation de l’information dans tous les États, des plus autoritaires aux plus démocratiques. Il s’agira donc de bien analyser à la fois la censure politique et la censure économique.
L’objet du travail conclusif est Internet, mais présenté comme un espace qui échapperait totalement aux règles. Or, on sait bien que les médias sur Internet n’échappent pas à une règle, celle du marché, de l’audience. On se demandera donc si les autres médias peuvent échapper à cette règle, si nous ne sommes pas d’abord des consommateurs d’information.
De manière générale, le thème pose la question de la vérité de l’information. Il reste à déterminer si un cours d’HGGSP est nécessairement au service de la vérité.
#1. La diversité des moyens d’information
#A. Définition de l’information
L’information s’oppose à l’anecdote, à la rumeur, à la communication, à la simple opinion. Il faut la distinguer du commentaire du journaliste sur les faits.
Elle s’oppose aussi à l’infox, la fake news. Il existe donc de l’information et de la désinformation. Elle est factuelle, vérifiée, et présente un intérêt pour le public.
Le public est cependant divers et ne partage pas exactement les mêmes intérêts. Il y a donc plusieurs audiences, et les médias cherchent à capter l’attention du public pour élargir leur audience, et leurs parts de ce marché.
#B. Définition des médias
Il existe une grande variété de médias. Ce sont des moyens de diffusion de documents, de messages, d’informations (ou outils de communication).
Il existe des médias de niche et des médias de masse. Les médias de masse ont une très large audience.
L’enjeu politique des médias est majeur : ils reflètent l’opinion publique, mais ils peuvent aussi servir à modeler cette opinion. Théoriquement, ils peuvent aider nos représentants politiques à comprendre l’opinion, si toutefois ceux-ci veulent la prendre en compte, dans l’intérêt général. Mais les médias sont aussi potentiellement des outils de propagande, qui peuvent servir à nous endoctriner.
Le rôle des journalistes est donc crucial. Comme le disait Albert Londres : « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »
C’est ainsi qu’il concevait la neutralité du journaliste à son époque.
#C. Superposition et complémentarité des médias
Presse, radio, télévision, internet, podcasts, réseaux sociaux… Il faut distinguer médias traditionnels des médias numériques. Cependant, malgré les évolutions techniques, la diversité de l’information apparaît discutable, car d’un média à l’autre, on a souvent une réplique de la même information. Les réseaux sociaux permettent d’ailleurs de partager des flux déjà existants sur d’autres plateformes.
Le modèle économique de ces médias diffère. La publicité domine largement, publicité qui est, par ailleurs, ciblée sur internet. Les médias sociaux reposent sur un contenu généré par l’utilisateur, contenu qui sert à cibler l’utilisateur lui-même. Les évolutions techniques font donc le bonheur des annonceurs.
#2. Diversité des pratiques d’information
#A. Les médias les plus utilisés
La télévision domine. D’après un sondage Ifop de 2018 pour la Fondation Jean-Jaurès, la télévision est le média de prédilection de 47% de la population. Viennent ensuite Internet et les réseaux sociaux, pour 28% ; la radio, pour 17% des sondés et la presse écrite pour 7%.
Le contenu vidéo sur internet semble changer au gré des usages. Les vidéos les plus longues sont moins vues que les plus courtes. Le succès de TikTok en atteste. TikTok propose en effet des vidéos de 15 à 60 secondes. Ce succès a même poussé YouTube, propriété de Google, à sortir une plateforme dédiée aux formats courts en juillet 2021, YouTube Shorts.
La presse écrite reste à la marge. L’écrit n’est pas le support qui gagne le cœur des populations.
#B. Sociologie des pratiques d’information
Nos usages sont culturellement marqués. Les plus favorisés et éduqués cherchent de l’information complémentaire sur internet et les réseaux sociaux, tandis que les classes les plus populaires s’informent prioritairement par la télévision. Le web est pour eux d’abord un moyen de se divertir, et pas forcément de s’informer.
De plus, il existe une fracture évidente entre les générations. Les plus âgés utilisent davantage les médias traditionnels.
On retiendra que l’écrit, sur papier ou sur internet, est choisi par les populations les plus politisées, donc les plus favorisées. Les populations les moins politisées s’informent majoritairement par la télévision.
#C. Consommation de l’information ?
Nous sommes des consommateurs d’information, comportement qui s’observe sur tous les supports. Ce comportement convient très bien aux grands groupes médias, qui en tirent leurs profits. Les pratiques journalistiques ont ainsi évolué. L’explosion des médias sociaux dans les années 2000 a fait naître les influenceurs, des personnes créant du contenu sur internet et bénéficiant d’une certaine audience. Il convient de distinguer leurs pratiques de la déontologie journalistique.
Il existe aussi des médias participatifs, dont le but n’est pas le profit, et un journalisme citoyen. Notons que le journalisme citoyen est une activité à très haut risque en Chine. La répression systématique n’a pas pu venir à bout de ces journalistes, prêts à prendre tous les risques, motivés par le désir d’informer.
#3. La question de l’accès à l’information « vraie »
#A. Censure politique
La censure dépend des territoires et des régimes politiques. Les impératifs de défense, de stabilité et d’harmonie sociale définissent les choix de contrôle de l’information, y compris dans les démocraties occidentales.
Les évolutions techniques ont renforcé la censure. En Chine, la censure d’internet se faisait au cas par cas en 2010. Aujourd’hui, la censure a évolué vers un modèle de machine learning, le système a la capacité d’apprendre.
La censure politique se double parfois de propagande et de sharp power. La Chine, moteur de la mondialisation, est bien placée pour vendre ses technologies de contrôle de l’information.
#B. Censure économique et « bulles d’ignorance »
La publication répond à une logique de marché. L’information doit trouver son public. Dans le domaine de l’édition, en France, seuls 20% des éditeurs génèrent 80% du chiffre d’affaires. André Schiffrin, dans son livre L’édition sans éditeurs, déplore que l’information et la culture subissent une auto-censure, en raison du marché.
Le capitalisme n’est pas nécessairement compatible avec la vérité. Nos idées sur l’information libre relèveraient donc du fantasme.
Les plateformes des GAFAM nous rendent captifs. Le moteur de Google suggère du contenu dans le champ de recherche : en suggérant ce que les utilisateurs veulent en majorité, l’utilisateur sera incité à ne pas chercher davantage, et se contentera de rester dans sa « bulle d’ignorance ».
#C. Désinformation, mésinformation, malinformation
La désinformation, c’est publier une fausse information dans l’intention de nuire. La mésinformation, c’est diffuser une fausse information sans avoir de mauvaises intentions. La malinformation, c’est diffuser une information qui repose sur des faits, mais exagérée dans l’intention de tromper.
On estime que les fake news et les théories du complot sont nées avec internet et on a tort. Les théories du complot ont existé de tout temps et dans toutes les sociétés. Quant aux fake news, il existe, en France, une loi de 1849 qui punit la publication de fausses nouvelles, de nature à « troubler la paix publique ».
Il est cependant vrai qu’internet a permis la viralité du conspirationnisme et des fausses nouvelles et que le débat à leur propos a été relancé dans les années 2000 et 2010.
Vivons-nous dans une « ère post-vérité » ? Parole et écriture ont-elles perdu toute ambition ? Dans un monde politico-médiatique étriqué, c’est vraisemblable.