Axe 1 - Les grandes évolutions techniques de l’information
Cet axe est historique, en 3 temps, qui correspondent à une technique donnée : l’imprimerie et la développement de la presse, la radio et la télévision, l’information sur internet.
On essaiera de déterminer si chaque évolution technique est une révolution pour l’information, c’est-à-dire, un changement de paradigme. Chaque technologie vient avec ses bienfaits, mais aussi ses nouveaux usages estimés dangereux, des nouveaux usages que l’on maîtrise en fait mal, dont on ne connaît pas encore toutes les implications.
On verra que la massification est un bienfait. En effet, un accès à l’information et une diffusion plus larges paraissent souhaitables. Mais, cela signifie-t-il que l’époque précédente participe de l’obscurantisme ?
Le pouvoir politique du citoyen est un horizon de ce chapitre. On s’intéressera à l’opinion publique, et au rôle des citoyens au travers des médias.
#1. L’information et l’imprimerie
#A. Du Moyen-Âge aux Lumières
#a) L’information au Moyen-Âge
La production est limitée. Un exemplaire d’un beau livre peut prendre jusqu’à 4 mois pour sa réalisation. Les illustrations faites à la main sont appelées enluminures. La production repose sur le travail des copistes dans les monastères. La nature des textes recopiés est essentiellement religieuse.
L’information appartient donc d’abord aux moines. Les colporteurs la diffusent, mais cette diffusion est très limitée, en raison des conditions matérielles de circulation.
#b) L’innovation de Gutemberg
On trouve dans l’histoire des traces d’impression à l’aide de plaques gravées, de caractères en bois (xylographie), en pierre (lithographie) ou en terre cuite.
Johan Gutemberg, en 1451 à Mayence, a l’idée d’utiliser des caractères en métal et une presse à vis. Le développement de cette technique permet l’impression de 12 millions d’ouvrages entre 1455 et 1500. La circulation des connaissances participe à la diffusion des idées humanistes.
La colonisation européenne permet l’exportation de la technique européenne de l’imprimerie en Amérique latine et en Asie.
#c) Diversification, Ancien Régime et contrôle de l’information
L’imprimerie permet la diffusion d’écrits en langue vernaculaire, langue nationale, parlée par le peuple. Les premiers « canards » naissent.
La première gazette naît en 1605. C’est un périodique : elle publie des faits politiques, diplomatiques et militaires. Théophraste Renaudot publie le premier journal français en 1631, la Gazette de France.
Le pouvoir royal et l’Église cherchent à contrôler les publications. Seuls les librairies parisiennes, en France, sont habilitées, à publier des nouveautés. Mais les livres interdits, critiques et profanes, se diffusent grâce aux imprimeurs aux frontières (en Suisse, notamment).
#d) Les Lumières et L’Encyclopédie
Le mouvement des Lumières, fondé sur le rationalisme, est critique de la monarchie absolue de droit divin. En Angleterre, on l’appelle Enlightenment ; en Allemagne, Aufklärung. La circulation des idées est intense en Europe.
L’Encyclopédie est le projet ambitieux de Diderot et d’Alembert. Il s’agit d’une collaboration avec 120 auteurs pour publier 72000 articles de sciences, des arts et métiers. La publication est clandestine, en raison de la censure. Ce sont, malgré tout, 25000 exemplaires des 17 volumes qui sont vendus à travers toute l’Europe.
#B. L’accélération au XIXe siècle
#a) Révolution des transports et des communications
Les deux vagues d’industrialisation contribuent à une révolution des transports, puis une révolution des communications.
Les transports permettent la livraison et une diffusion plus massive de la presse. Les télécommunications voient le jour avec l’invention du télégraphe électrique puis du téléphone. Le TSF (télégraphe sans fil) voit le jour en 1905.
L’information se diffuse ainsi beaucoup plus vite, et à toutes les échelles, grâce à ces inventions. L’agence Havas, fondée en 1835, doit son succès à ces révolutions technologiques.
La maîtrise de l’information est aussi un outil de pouvoir. Le Royaume-Uni confirme sa suprématie sur les routes maritimes en maîtrisant les informations commerciales et financières à la fin du XIXe siècle.
#b) Mécanisation de la presse et massification de l’audience
La rotative est mise au point en 1860. Elle permet la massification des publications. La linotype (line of type), en 1880, permet une composition encore plus rapide, sans avoir à ajouter chaque caractère. La presse devient quotidienne en 1900.
La liberté de la presse, établie en 1695 au Royaume-Uni, rétablie en 1881 en France (elle a disparu plusieurs fois depuis la Révolution), confirme et institue un élargissement de l’audience.
Le taux d’alphabétisation croît. En Allemagne, il atteint 88% en 1871. En Italie, il passe de 20% en 1861, à 50% en 1901. En France, l’instruction publique (à partir de 1871) permet d’atteindre 95% en 1914. Cette croissance contribue à la massification de l’audience.
#c) La presse comme reflet de l’opinion publique
La presse française est très dynamique. Entre 1880 et 1914, les tirages sont multipliés par 3. Le Petit Journal est le plus lu en 1890.
Une presse d’opinion, diverse, voit le jour. Elle reflète l’opinion publique. Mais elle devient aussi le vecteur potentiel des idées politiques les plus radicales. Les pamphlétaires gagnent une audience parfois inespérée (comme Drumont, par exemple).
La presse devient le quatrième pouvoir. Elle contribue à l’équilibre des forces politiques. Elle dénonce les scandales politico-financiers, elle relaie les positions sur l’affaire Dreyfus, elle fait tomber des gouvernements. Il arrive également que les journalistes soient mêlés à ces scandales (notamment dans l’affaire du Canal de Panama, en 1892). La sphère politique devient politico-médiatique.
Elle contribue à l’émergence de la figure des intellectuels dans le débat public et à faire des citoyens des acteurs de la vie politique.
#2. L’information au gré des innovations techniques : radio, télévision et internet
#A. L’information par le son : la radio
#a) L’émergence de la radio
La radio apparaît au début du XXe siècle, avec la technique de la TSF (télégraphie sans fil).
La radio devient progressivement un média de masse : 10% des français sont équipés d’un poste en 1932, 60% en 1939. Elle est très appréciée des français. Les informations sont quasiment en direct, ce qui explique cet intérêt. Ainsi, l’annonce des accords de Munich en 1938 est faite une heure après leur signature.
Contrôler la radio est un enjeu majeur. En 1939, l’État français crée la RN, Radiodiffusion française Nationale. Contrairement aux États-Unis où les radios privées et la publicité dominent, en France, les radios privées sont limitées au divertissement (comme Radiola), et la publicité est interdite.
#b) La radio comme média de masse
Pendant la Seconde Guerre mondiale, des radios clandestines naissent. La radio prend de l’importance pour une résistance qui est coordonnée par les ondes. Ainsi, le Général de Gaulle fait son appel du 18 juin à la radio.
Une guerre des ondes se met en place entre Radio Paris et la BBC (Radio Londres). Le brouillage des ondes est mis en place par le gouvernement de Vichy, qui interdit l’écoute de radios étrangères. En 1944, 70% des français avaient cependant pu écouter Radio Londres.
L’apparition du transistor, postes de radio transportables, en 1954, est une avancée majeure. L’audience devient massive en Occident, au détriment de la presse écrite.
#B. L’information par l’image : la télévision
#a) L’émergence de la télévision, un média qui séduit
Le public de la télévision est encore restreint à la fin des années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’image comme nouveau support de l’information séduit, et l’adoption se confirme rapidement : en 1953, ce sont 37 000 foyers qui sont équipés de téléviseurs ; en 1960, 1,3 millions de foyers ; en 1970, 11 millions.
#b) La télévision comme média dominant
Ce nouveau média domine vite. Il est d’ailleurs adopté par les hommes politiques qui cherchent à contrôler leur image. En 1954-1955, Mendès-France tient des « causeries » à la télévision. De Gaulle, qui se méfie de la presse, choisit la télévision comme média pour ses interventions : on compte en effet 59 interventions à la télévision de 1958 a 1969.
Aux États-Unis, on trouve de nombreux débats télévisés, comme celui qui opposa Kennedy et Nixon en 1960.
Dans de nombreux états, la télévision est dépendante du pouvoir. En France, on crée l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) en juin 1964. La télévision, tout comme la radio ne se libéralisent France qu’en 1982, avec l’apparition des chaînes privées et des radios libres.
#C. Internet et le renouveau des médias
#a) Naissance, adoption et développement d’Internet
L’apparition d’Internet dans les foyers dans les années 1990 est une révolution qui bouleverse les médias traditionnels et l’opinion publique. En France, l’adoption est extrêmement rapide : en 2000, les internautes sont 8,5 millions, ils sont 45 millions en 2011.
Le premier web est fait de pages statiques. Le web 2.0 est un web qui permet l’interaction des internautes qui créent eux-mêmes le contenu (user generated content). L’information, relayée ou créée par les internautes, citoyens lambda, est fragmentée et horizontale.
#b) Coexistence de tous les médias
La plupart des médias traditionnels répliquent leur contenu sur internet, qui devient une place de marché considérable. À l’origine, la presse papier donne accès gratuitement au contenu de ses pages, ce qui multiplie les lecteurs. L’accès à l’information devient donc beaucoup plus facile, sans limite géographique, à condition de savoir où chercher. Aujourd’hui, la plupart des médias traditionnels présents sur internet ont opté pour un le modèle de l’abonnement mensuel payant.
Les radios proposent leur émission sous la formes de podcasts, dont la diffusion est accessible en différé. Les chaînes de télévision répliquent leur contenu notamment sur les plateformes vidéo des GAFAM.
Ainsi, l’usage d’internet n’a pas eu raison des médias traditionnels, qui se sont rapidement adaptés à cette révolution technologique.
Il faut noter l’apparition d’une presse accessible uniquement sur Internet, dite « pure player», comme Mediapart et Arrêt sur images, par exemple.
#c) Médias sociaux
Les médias sociaux vont plus loin dans la démocratisation, en donnant la priorité au contenu généré par les utilisateurs d’internet eux-mêmes. Ainsi fonctionnent Facebook, Twitter, et la multitude de moteurs de blogs qui permettent aux simples citoyens de changer le paradigme de diffusion de l’information, qui devient une diffusion libre, sans autorité gouvernannt la teneur des contenus.
Si le débat et l’expression sont libres, l’interactivité permanente, la piètre qualité du débat et la crédibilité des informations pose cependant question, quand tout le monde prend la posture du journaliste. En effet, le professionnalisme et la déontologie peuvent majoritairement faire défaut.
Les médias sociaux accélèrent, par ailleurs, la diffusion de fake news, informations sans sources fiables, de la propagande politique et du sharp power, et de théories du complot.
Les annonceurs publicitaires ont évidemment investi ces médias sociaux et ciblent les utilisateurs selon le contenu qu’ils publient. Les médias sociaux, s’ils peuvent donner l’illusion de liberté de parole, enferment leurs utilisateurs dans une même logique commerciale que les médias traditionnels.
Enfin, les médias sociaux appartiennent à des grands groupes, dont les serveurs sont centralisés, ce qui remet en cause la nature même d’Internet, qui, à l’origine, était un réseau décentralisé, robuste, résistant à la censure. L’Internet que nous avons construit est donc vulnérable : il faudra vraisemblablement attendre le développement et l’adoption massive d’un web 3.0 (ou web3, web basé sur la blockchain) pour retrouver de l’information plus décentralisée.